S’implanter sur le marché américain est un rêve pour beaucoup de chefs d’entreprises. Mais que vous optiez pour un export de produits ou pour la création d’une filiale, votre projet doit être préparé consciencieusement en amont pour être réussi. Vanina Joulin-Batejat, CEO de la société de consulting RéussirUSA, accompagne depuis 10 ans les entrepreneurs francophones dans leur développement aux Etats-Unis. Pour Investir.US, elle détaille deux étapes indispensables à toute expatriation : l’étude de marché et le business plan.
Etude de marché, une précaution élémentaire
Avant de se lancer bille en tête à l’assaut d’un marché à l’international, un chef d’entreprise expérimenté comme un jeune startupper se doit d’analyser les possibilités de réussite de son implantation. L’étude de marché est une précaution indispensable, et vise à intégrer, en amont de la commercialisation du produit, les particularités du marché local, mais aussi les besoins de la clientèle, l’état de la concurrence dans la région visée, la réglementation dans le secteur donné ou les possibilités de distribution et bien entendu les moyens financiers à mettre en place pour espérer réussir. Cette étape préparatoire se révèle d’autant plus importante dans un pays aussi vaste et divers que les Etats-Unis, c’est pourquoi il est conseillé de la confier à des partenaires qui connaissent très bien le marché américain, et de définir avec eux la meilleure stratégie de conquête.
En quinze ans d’accompagnement juridique et économique de petites et grandes entreprises, dont dix spécialement sur le sol américain, Vanina Joulin-Batejat s’est penchée sur de très nombreux projets de création ou de développement d’entreprises. Elle en a acquis la conviction que l’étude de marché était l’une des clefs d’une implantation réussie. « Le cas typique est celui d’une start-up persuadée d’avoir trouvé un concept de génie, qui n’existe nulle part ailleurs et qui va forcément faire un carton », indique l’experte. « Or ce n’est pas parce que vous ne trouvez pas de trace d’un produit aux Etats-Unis que personne n’a essayé de le lancer avant vous, ou qu’il y a nécessairement un marché, un besoin : les gouts et attentes des consommateurs Américains ne sont pas les mêmes que les gouts et attentes des consommateurs européens et de plus diffèrent selon les Etats. Des produits organiques seront très demandés en Californie ce qui ne sera pas nécessairement le cas au fin fond de l’Oklahoma. » Vanina Joulin-Batejat se souvient ainsi d’un duo d’entrepreneurs qui souhaitaient lancer aux Etats-Unis des « boites à sommeil », soit des lits mobiles permettant aux travailleurs et voyageurs de se reposer quelques heures. « Ils pensaient que ça allait marcher aux USA, où les grandes entreprises mettent parfois des salles de repos notamment dans la Silicon Valley à destination de leurs employés. Après avoir réalisé une étude de marché, j’ai réalisé que le concept existait déjà , mais qu’il n’avait pas réellement pris. Je leur ai conseillé de se consolider en France, et de viser notamment les gares avant de tenter l’aventure américaine. »
Garde-fou contre une déroute commerciale, l’étude de marché, quand elle est réalisée par des professionnels, permet aussi de démonter certaines idées reçues. « Les Français sont souvent persuadés que leur concept de boulangerie, de pâtisserie, de produits français va fonctionner parce que la french touch’ est à la mode. Cela peut être vrai, mais pas n’importe où », met en garde Vanina Joulin-Batejat. « New York ou la Californie, Washington DC sont des marchés assez ouverts, mais où la concurrence est féroce. En revanche, en Caroline du Nord (hormis Raleigh éventuellement), la touche française n’aura absolument aucun impact. » A l’inverse, lorsque l’étude se révèle positive et conclut qu’il existe un marché, des fabricants potentiels, des distributeurs intéressés et une législation favorable, alors elle permet de valider solidement le projet. « Je me souviens de clients qui voulaient implanter une pâtisserie avec comme produit unique : le Merveilleux, une spécialité du Nord à base de meringue fondante et de crème fouettée peu sucrée et très légère. Rapidement, nous avons convenu qu’il faudrait se diversifier, s’adapter à la demande, car le mono produit est risqué. C’est ce qu’ils ont fait, et leur affaire à Washington DC fonctionne très bien. Ils servent même les ambassades alentours ! », raconte la spécialiste.
Business plan, le sésame pour l’immigration
Pour lancer son entreprise ou développer sa filiale à l’étranger, encore faut-il y être autorisé. Aux Etats-Unis, « il existe deux principaux types de visas destinés aux investisseurs », rappelle Vanina Joulin-Batejat : le visa EB-5, qui demande un investissement minimum de 500 000$ dans un projet que l’investisseur ne managera pas (type hôtel Hilton) ou alors une somme de 1 million dans son propre projet (ces sommes devraient être mises à jour et fortement augmentées fin septembre 2018), et qui permet à terme d’obtenir la green card. Et le visa E-2, un visa non-immigrant qui peut être obtenu pour une durée de cinq ans. C’est ce second visa qui est le plus prisé par les entrepreneurs français, et « il permet aussi bien de créer son entreprise de zéro que d’investir à plus de 50% dans un business déjà existant ». La procédure de demande du visa E-2 demande du temps, « et un certain investissement financier même si la loi ne donne pas de chiffre spécifique et personnel ». Surtout, « elle réclame d’établir un business plan sérieux sur cinq ans, à soumettre à l’officier consulaire qui analysera votre dossier et décidera si votre projet est viable ou pas.»
Avec sa société RéussirUSA, et ses nombreux partenaires franco-américains et américains (avocats, comptables, agents immobiliers…) sur tout le territoire US, Vanina Joulin-Batejat s’est spécialisée dans la rédaction de business plans efficaces, et affiche un taux de réussite de 100% pour les demandes de visas de ses clients. Les démarches ne sont cependant pas à prendre à la légère, puisqu’il est nécessaire « d’enregistrer la société, obtenir le numéro fiscal de la société, ouvrir un compte bancaire au nom de la société de l’investisseur, établir les projections financières, commencer à virer des fonds destines au fonctionnement de la société ou à son rachat, de prévoir des embauches, de sélectionner des locaux, d’acheter du mobilier pour l’entreprise et selon le type de business, de démarcher des clients potentiels, des fabricants et des distributeurs », avant même de savoir si la demande a obtenu une réponse favorable de l’immigration américaine. Par ailleurs, le futur investisseur doit avoir en tête qu’il lui faudra placer en moyenne 30 000 à 40 000 dollars sur un compte séquestre, au nom de sa société, avant de faire la demande de visa E-2. Tous ces éléments étant destinés à prouver que votre business est déjà opérationnel, ou sur le point de l’être.
« Chez RéussirUSA, nous intégrons généralement le business plan à l’étude de marché que nous fournissons, car les données chiffrées permettent de rendre le projet plus concret », indique encore Vanina Joulin-Batejat, qui reste en contact régulier avec ses clients après l’obtention du visa. « Je continue à les suivre pour le renouvellement du visa au bout de cinq ans, pour une aide au développement une fois que l’entreprise est implantée, ou simplement pour prendre des nouvelles : après des mois ou des années de collaboration, je considère beaucoup des personnes que je conseille comme des amis. »
Attention : les goûts et attentes des consommateurs Américains ne sont pas les mêmes que les goûts et attentes des consommateurs européens et de plus diffèrent selon les Etats.