Au moment de lancer sa société aux Etats-Unis, tout entrepreneur se pose invariablement la question de la structure juridique à choisir pour son entreprise. Le choix de la forme juridique dépend du contexte et de chaque cas particulier. « Par exemple, la maison-mère d’une entreprise française qui veut ouvrir une filiale n’a pas les mêmes contraintes et les mêmes choix qu’un entrepreneur français qui vit déjà avec sa famille aux Etats-Unis », explique Flore Kanmacher avocate en droit des affaires basée à Los Angeles et fondatrice du cabinet Kanmacher Law. Avant de s’engager dans les procédures de formation, et pour éviter des complications juridiques et fiscales, il est important de consulter des professionnels qui connaissent les problématiques propres à votre situation particulière. Mais connaitre les caractéristiques principales des structures juridiques disponibles aux Etats-Unis peut vous aider à y voir plus clair, et à avoir un dialogue constructif avec vos conseils.
La LLC et la Corporation
La «Corporation» et la « Limited Liability Company » sont des options populaires pour les entrepreneurs car elles constituent des formes d’entreprises particulièrement polyvalentes et protègent les actionnaires en limitant la responsabilité des actionnaires à leurs apports en capital. Mais ces deux structures ne sont en aucun cas interchangeables et adaptées à toutes les situations.
La « Corporation », comparable à la Société Anonyme française
Aux Etats-Unis, on distingue la « C-Corp » ou « Corporation », société de capitaux, comparable à une Société Anonyme française, et la « S Corporation », ou « S-Corp », société de personnes. Chacune de ces personnes morales prévoit une répartition des bénéfices et des pertes entre les actionnaires, au prorata de leur investissement.
La C-Corp
On parle de C-Corp lorsqu’une Corporation décide d’être imposée en vertu du sous-chapitre « C » du code fédéral des impôts. «La Corporation est une structure de société qui s’adapte aussi bien aux startups qu’aux sociétés cotées en bourse», relève Anne Pansard, avocate au sein du cabinet Kanmacher Law, basée à Chicago. La C-Corp est la structure juridique de prédilection pour les investisseurs institutionnels comme les fonds de capital-risque et les sociétés de capital-investissement. Pour cette raison, un patron de startup a souvent tout intérêt à créer une Corporation car il sera plus facile pour lui d’attirer des capitaux d’amorçage, d’émettre des actions privilégiées et des options d’achat d’actions ou de faire une entrée en bourse.
Il est important de noter que contrairement aux autres formes de structures juridiques disponibles aux Etats-Unis, la C-Corp est un contribuable distinct de ses actionnaires. La C-Corp est ainsi soumise au système de « double imposition ». La Corporation est imposée sur ses bénéfices, et les actionnaires sont imposés sur les dividendes qui leur sont distribués. « Les bénéfices générés par la société sont donc imposés deux fois » résume Flore Kanmacher. Ceci peut-être dans certains cas un inconvénient. Cependant, pour des actionnaires personnes physique ou morale résidant en France par exemple, ceci présente l’avantage de ne pas créer de «présence fiscale » aux Etats-Unis pour ces derniers, évitant ainsi de les soumettre directement aux autorités fiscales américaines. De plus, la charge fiscale est atténuée pour les actionnaires « étrangers » par les exonérations et restitutions de l’impôt français que prévoit la convention fiscale franco-américaine.
La S-Corp
On parle de S-Corp lorsqu’une Corporation décide d’être imposée en vertu du sous-chapitre « S » du code fédéral des impôts. Ce choix permet à la S-Corp d’éviter la double imposition. En effet, contrairement à la C-Corp, la S-Corp est transparente fiscalement. Elle n’est pas un contribuable distinct de ses actionnaires. Les bénéfices de l’entreprise « passent » directement à chaque actionnaire. Chaque actionnaire paie l’impôt sur sa quote-part au taux correspondant à sa tranche d’imposition: le revenu n’est imposé qu’une fois. « Ceci peut être particulièrement intéressant au niveau fiscal pour les actionnaires», remarque Flore Kanmacher. Notez cependant qu’une personne physique ou morale résidant en France ne peut-être actionnaire d’une S-Corp car la loi ne permet qu’à des personnes physiques résidant aux Etats-Unis d’investir dans ce type de structure.
Pour une société ou un entrepreneur français résidant aux Etats-Unis, la S-Corp peut offrir certains avantages. En plus de la transparence fiscale, la S-Corp offre une certaine flexibilité en matière de distribution des revenus à ses actionnaires. En effet, l’employé-actionnaire d’une S-Corp peut choisir de percevoir à la fois des revenus salariaux (moins favorables fiscalement) et des dividendes (légèrement plus favorables). Cela permet d’optimiser l’efficacité fiscale pour l’employé-actionnaire d’une S-Corp, à condition que les montants traités en dividendes soient raisonnables par rapport aux salaires versés. Ceci présente un avantage par rapport au régime de distribution de revenus des LLC, qui ne permet en général pas de distribution sous forme de salaire à ses membres.
La Limited Liability Company (« LLC »)
La LLC est une structure relativement récente, devenue très populaire ces dernières années car elle est facile à créer et à administrer. C’est une société de personnes qui est comparable à la S.A.R.L. française. Tout comme les Corporations, la LLC n’engage pas la responsabilité personnelle du propriétaire quant aux dettes de la société. La LLC offre davantage de flexibilité que la Corporation a plusieurs égards. Par exemple :
– Dans le cadre d’une Corporation, les bénéfices et les pertes sont répartis entre actionnaires au prorata de leur contribution au capital. Le régime des LLC est beaucoup plus flexible, permettant de repartir les bénéfices et les pertes entre actionnaires, indépendamment de la contribution au capital.
– Dans le cadre d’une Corporation, les relations entre actionnaires sont largement définies par la loi de l’Etat d’enregistrement de la société. Par contraste, le régime des LLC est largement soumis à la liberté contractuelle, permettant à ses membres de définir librement leurs relations.
Mais si cette structure est très attractive, utiliser une LLC n’est pas adapté à tous, tout au moins sans prendre des précautions particulière. Par exemple :
– Utiliser une LLC n’est pas adapté si l’on cherche à lever des fonds auprès d’investisseurs institutionnels. Leurs statuts les obligent souvent à investir dans des Corporations.
– Utiliser une LLC peut créer des complications fiscales sérieuses pour des entreprises ou des résidents français. En effet, par défaut, la LLC traditionnelle est soumise à un régime fiscal transparent, similaire au régime fiscal des S-Corp. Alors que pour les personnes physiques ou morales résidant aux Etats-Unis, le régime fiscal transparent peut être avantageux, pour les personnes physiques ou morales résidant en dehors des Etats-Unis, ce régime fiscal transparent est à éviter absolument, car il a pour conséquence de rendre les membres de la LLC résidants fiscaux américains, avec tous les inconvénients que cela représente. « La bonne nouvelle est qu’il est possible d’éviter ce problème en indiquant aux autorités fiscales que la structure souhaite être soumise au régime fiscal de la C-Corp », explique Flore Kanmacher.
– Utiliser une LLC transparente fiscalement, même lorsqu’on est résident américain, peut présenter certains risques. En effet, contrairement aux actionnaires de Corporation, qui ne sont imposés que sur les dividendes et autres distributions perçues, les membres de LLC sont imposés sur les résultats, même si aucune distribution n’a été effectuée. « Récemment, un Français résidant aux Etats-Unis est venu nous consulter, paniqué », raconte Anne Pansard. « Il était membre minoritaire d’une LLC qui avait fait un bénéfice de plusieurs millions de dollars. Ceci pouvait apparaitre en soit comme une très bonne nouvelle. Le problème pour notre client est que les membres majoritaires de la LLC avaient décidé de ne pas faire de distributions. Notre client, minoritaire, n’avait donc rien perçu mais se retrouvait néanmoins dans l’obligation de payer une facture fiscale très lourde ! »
Si le système américain favorise la création d’entreprises et permet de créer son entreprise en quelques jours, voire quelques heures, il n’en reste pas moins complexe.
« Il est important de se faire conseiller avant de prendre des décisions qui peuvent dans certains cas être soit irréversibles soit coûteuses »