Connaissez-vous Indeed, le leader américano-japonais spécialisé dans la recherche d’emploi ? Cette plateforme de recrutement géante vient d’importer en France son concept de « vacances illimitées », en vigueur aux USA, à l’attention des salariés de son antenne parisienne, ouverte en 2015. Démarche expérimentale basée sur une confiance mutuelle employeur-employé, nous dit-on dans les arcanes de sa société parisienne. Stratégie sociale en vue d’une plus grande souplesse ou asservissement déguisé sous les traits d’une extrême liberté ? Investir.US est parti enquêter…
Pourquoi le salarié américain ne prend-il que très peu de jours de congé ?
Arnaud Devigne, DG France d’Indeed, loue les mérites de cette nouvelle flexibilité horaire importée de la Silicon Valley américaine et récemment implantée dans l’ Hexagone.« Les salariés partent quand ils veulent et prennent autant de jours qu’ils veulent, quand ils en éprouvent le besoin. Tout repose sur la confiance ».
De façon pratique, sachez que le nombre de jours de travail par an est plafonné chez Indeed et que les jours de congé pris sont déclarés « pour garantir le minimum conventionnel ».
Si ce dispositif est pratique courante en Californie et notamment dans les sociétés high tech, il faut bien noter qu’aux USA aucune législation fédérale n’impose un minimum de jours de congé, a fortiori, les employés américains ont l’habitude de prendre un nombre limité de vacances. Et, même lorsque le règlement intérieur de l’entreprise prévoit un certain nombre de jours de repos, les salariés n’utilisent que rarement le maximum autorisé. Une semaine, au plus deux semaines de vacances par an, c’est un maximum pour le salarié US. Derrière cette annonce flamboyante de vacances illimitées, se cache une pratique des vacances corsetées par la peur de perdre son emploi et «d’inquiéter » son manager ou son service de ressources humaines. L’effet pervers de cette nouvelle pratique se dessine déja aux USA: dans une culture d’entreprise très compétitive, faute de cadre clair, les managers peuvent rechigner à accorder des jours, et les employés hésiter à en réclamer, ce qui peut créer tensions et disparités au sein des équipes.
Comme le démontrait un sondage réalisé par l’agence de voyage Expedia en 2015 les Américains disposant d’une moyenne annuelle de quinze jours n’en prennent, en moyenne, que onze. « L’entreprise pousse à la présence physique au bureau» nous explique une consultante de CultureRx. « Les salariés américains ont peur qu’on élimine leur poste en leur absence.»
Pousser les salariés à prendre des vacances illimitées, une nouvelle pratique ?
Les bienfaits de ce nouveau dispositif
Le dispositif des vacances illimitées fut lancé au départ par certaines sociétés high tech telle Netflix ( dès 2004) afin de contrecarrer cette tendance américaine des « no vacations » . Suivies d’autres entreprises et jeunes pousses high-tech de la Silicon Valley, le concept de « vacances illimitées » a vite connu un réel succès. En décryptant de plus près ces jours de congé, on découvre qu’ils ne sont pas véritablement illimités mais plutôt flexibilisés. La tendance est donc à la réorganisation de la journée de travail en vue d’une plus grand bien être et d/un meilleur equilibre entre le travail et la vie familiale. Ainsi, les salariés continuent à limiter leurs « véritables » vacances à deux semaines consécutives, une fois par an, mais changent, grâce a ce dispositif, leur quotidien. C’est la qualité de vie qui bénéficie le plus grandement des avantages de la flexibilité se manifestent le plus : les week-ends de trois jours sont fréquents, il devient plus aisé de poser une journée et télétravail est encouragé.
Des réticences demeurent face à ce trop plein de congés
Ainsi Evernote, VMware, Workday, Edmunds.com, HubSpot, Eventbrite… ont totalement assoupli voire libéré l’agenda des vacances de leurs salariés . Aux USA, les abus sont chose rare et les intéressés prennent au plus deux jours de congé de plus. Elément encore plus étonnant: certaines sociétés américaines sont même contraintes de pousser leurs troupes au vert sinon elles resteraient bien tout l’été au bureau… C’est ainsi qu’Evernote propose un bonus de 1 000 dollars à ceux qui prennent au moins une semaine de congé. « Sinon, ils prendraient des temps de repos plus courts », explique Greg Chiemingo, le responsable de la communication d’Evernote. Une pratique ubuesque pour un salarié français.
Ne plus comptabiliser les heures de bureau ni le temps de loisir des salariés et pour ceux exerçant dans des cabinets, ne plus facturer les clients à l’heure, mais au résultat. « Le concept de vacances illimitées est très nouveau, et il n’y a ni jurisprudence, ni règlementation. C’est un peu le Far West « , conclut Sheeva Ghassemi-Vanni, consultante RH . Un Far West social qui gagne du terrain aux USA…
Cette pratique toute américaine, basée sur la confiance et la réciprocité entreprise-salarié, prendra-t-elle en France ? L’exemple donne par le groupe Indeed à Paris nous le dira…